Rade Šerbedžija
- Casting
- Né le 27 juillet 1946
- 79 ans
- Croatie Serbie
- 9 films
Biographie
Rade Šerbedžija, né le 27 juillet 1946 à Bunić, dans la République socialiste de Croatie (alors en Yougoslavie, aujourd’hui en Croatie), est un acteur, poète, musicien et réalisateur croato-serbe dont la carrière s’étend sur plus de cinquante ans, entre scènes yougoslaves, plateaux hollywoodiens et productions internationales. Avec sa voix grave, son regard intense et son aura de tragédie douce, Rade Šerbedžija s’est imposé comme une figure de l’étranger, du soldat, du survivant ou du sage, à la fois reconnaissable et insaisissable.
Un enfant du théâtre, enraciné dans la culture slave
Issu d’une famille serbe de Croatie, Rade Šerbedžija étudie l’art dramatique à l’Académie des arts dramatiques de Zagreb, où il deviendra plus tard professeur. Il commence sa carrière dans le théâtre croate des années 1970, où il incarne les grandes figures classiques — Hamlet, Richard III, Antigone, Peer Gynt — et devient l’un des comédiens les plus respectés de la scène yougoslave.
Dans les années 1980, il est également une figure centrale du cinéma régional, apparaissant dans de nombreux films et séries télévisées produits en ex-Yougoslavie, dans des rôles de militaires, d’intellectuels, de dissidents… et parfois les trois à la fois. Son jeu, à la fois rugueux et lyrique, très imprégné d’histoire et de mémoire collective, lui vaut une grande notoriété dans toute l’Europe de l’Est.
L’exil et la réinvention à l’Ouest
La guerre en ex-Yougoslavie dans les années 1990 marque un tournant décisif. Šerbedžija quitte Zagreb en 1992, réfugié à Belgrade puis en Slovénie, avant de partir s’installer à Londres. Il recommence presque de zéro dans une langue étrangère, mais sa présence forte, son accent slave et son charisme mélancolique attirent très vite l’attention des réalisateurs internationaux.
C’est dans Before the Rain (Pred doždot, 1994) de Milcho Manchevski qu’il retrouve un rôle à sa mesure : celui d’un photographe revenu dans un pays en guerre, pris dans la spirale de la violence. Le film, acclamé, reçoit le Lion d’or à la Mostra de Venise et vaut à Šerbedžija une reconnaissance internationale tardive mais durable.
Hollywood et l’archétype de l’Européen mystérieux
À la fin des années 1990, Rade Šerbedžija devient l’archétype du personnage slavophone, ambigu, souvent impliqué dans des intrigues d’espionnage, de guerre ou de géopolitique. On le voit dans The Saint (1997), Eyes Wide Shut (1999), Mission: Impossible 2, Snatch, Mighty Joe Young, Shooter, Batman Begins, Taken 2 et X-Men: First Class. À chaque fois, il incarne avec nuance et intensité un homme fatigué, lucide, parfois dangereux, toujours digne.
Il est souvent appelé pour jouer le général déchu, le professeur désabusé, le père sévère, ou l’homme d’État miné par la guerre. Et pourtant, il évite la caricature : chez lui, le cliché devient masque tragique, porté avec distance et émotion contenue.
Le théâtre toujours vivant, la poésie en parallèle
Malgré sa notoriété à l’écran, le théâtre reste sa maison d’origine. Il fonde le Ulysses Theatre en 2000 sur l’île de Mali Brijun, en Croatie, une compagnie qui réunit artistes de tous bords autour de grandes œuvres classiques et contemporaines. Il y joue encore régulièrement, souvent dans des mises en scène épurées, face à la mer Adriatique.
En parallèle, Rade Šerbedžija est aussi poète et musicien. Il a publié plusieurs recueils, souvent imprégnés de mémoire, d’exil, d’amour et de politique. Il chante également des chansons folk, dans une veine balkanique intimiste, souvent accompagné d’un violon ou d’un accordéon. Sa voix rauque s’y déploie autrement, avec une mélancolie fraternelle.
Une présence intemporelle, entre guerre et sagesse
Dans les années 2000 et 2010, on le retrouve dans des séries internationales (24, Downton Abbey, Strike Back), dans des films d’auteur (In the Land of Blood and Honey réalisé par Angelina Jolie), et même dans l’univers Harry Potter, où il campe le fabricant de baguettes Gregorovitch dans Les Reliques de la Mort.
Rade Šerbedžija n’est jamais là pour séduire, mais pour habiter l’ombre, le remords, l’histoire. Sa présence suffit à faire comprendre que quelque chose de grave s’est joué, ou va se jouer. Il appartient à cette famille d’acteurs qui parlent moins que leur regard, et qui portent dans leur voix les traces d’un monde plus ancien que le scénario.
Rade Šerbedžija, la mémoire vivante d’un continent fragmenté
Avec plus de cent films et séries à son actif, des dizaines de rôles majeurs au théâtre, et une œuvre parallèle en poésie et musique, Rade Šerbedžija est bien plus qu’un acteur de composition. Il est un témoin du XXe siècle, un passeur entre les cultures, un visage de l’Europe centrale et balkanique qui a trouvé, dans les marges du cinéma mondial, une place unique et durable.
Entre deux langues, entre deux identités, il continue de raconter des histoires que d'autres préfèrent oublier. Et c’est sans doute pour cela qu’on l’écoute, encore et toujours.