Miloš Forman

  • Réalisation

Biographie

Miloš Forman, né Jan Tomáš Forman le 18 février 1932 à Čáslav, en Tchécoslovaquie (aujourd’hui République tchèque), et décédé le 13 avril 2018 à Danbury, dans le Connecticut (États-Unis), est l’un des réalisateurs les plus importants de la seconde moitié du XXᵉ siècle. Cinéaste à cheval entre le cinéma européen d’auteur et les studios américains, il a su imposer une œuvre puissante, libre, profondément humaine, souvent empreinte d’ironie mordante et de tendresse pour les marginaux.

De la Tchécoslovaquie à Hollywood : un parcours marqué par l’exil

Orphelin très jeune (ses parents sont morts en camp de concentration), Miloš Forman se tourne vers le cinéma dans les années 1950. Il étudie à l’école de cinéma de Prague, la FAMU, puis devient une figure de proue de la Nouvelle Vague tchèque des années 1960. Ses premiers films, L'As de pique (1963), Les Amours d'une blonde (1965) et surtout Au feu, les pompiers ! (1967), font sensation dans les festivals internationaux.

Ce dernier film, une comédie satirique sur une fête de pompiers qui tourne au désastre, est perçu comme une critique subtile du régime communiste — ce qui entraîne sa censure dans le pays. Après l’invasion soviétique de 1968, Forman quitte la Tchécoslovaquie pour les États-Unis, où il entame une seconde carrière, cette fois à Hollywood. Un exil qui marquera à jamais son rapport à la liberté, à l’autorité, et à l’absurde institutionnel.

Vol au-dessus d’un nid de coucou : la consécration immédiate

En 1975, Miloš Forman réalise One Flew Over the Cuckoo’s Nest (Vol au-dessus d’un nid de coucou), adapté du roman de Ken Kesey. Le film, porté par Jack Nicholson et Louise Fletcher, devient un phénomène mondial. Il remporte les cinq Oscars majeurs (film, réalisateur, acteur, actrice, scénario), une performance rarissime.

Ce chef-d’œuvre, situé dans un hôpital psychiatrique, dénonce la tyrannie bureaucratique, la normalisation des individus et la répression de la différence. Le regard de Forman est à la fois caustique et compatissant : il filme les patients avec humanité, face à une institution froide et déshumanisante. Le combat de Randle McMurphy contre l’infirmière Ratched devient l’un des plus puissants symboles de résistance à l’autorité oppressive dans l’histoire du cinéma.

Un cinéma d’insoumis, entre musique et marginalité

Le fil conducteur de l’œuvre de Miloš Forman, c’est la liberté. Celle des artistes, des rêveurs, des anticonformistes, qu’il filme toujours avec empathie et humour. En 1979, il réalise Hair, adaptation de la comédie musicale pacifiste et psychédélique, où la jeunesse contestataire fait face à la guerre du Vietnam. Là encore, il dresse le portrait de marginaux lumineux face à une société rigide.

En 1984, Amadeus consacre à nouveau Forman au sommet de son art. Le film, centré sur la rivalité entre Mozart et Salieri, est une œuvre baroque, jubilatoire, parfois cruelle, mais d’une intelligence dramatique rare. Il remporte 8 Oscars, dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur, et devient un classique instantané. Mozart y est présenté comme un génie insolent, incontrôlable, face à un monde obsédé par la hiérarchie et les convenances.

Les derniers chefs-d’œuvre et une fidélité à ses thèmes

Forman continue dans les années 1990 et 2000 à explorer les conflits entre individus et systèmes. Dans The People vs. Larry Flynt (1996), il suit le parcours du provocateur libertaire et éditeur de Hustler, Larry Flynt, qu’il dépeint comme un défenseur grinçant de la liberté d’expression. Le film, acclamé, pose une question brûlante : peut-on défendre un personnage aussi controversé au nom d’un principe supérieur ?

Avec Man on the Moon (1999), biopic sur Andy Kaufman incarné par Jim Carrey, Forman continue à creuser la frontière entre la norme sociale et l’excentricité artistique. Encore une fois, il filme un être inclassable, insaisissable, en guerre contre le formatage du réel.

Un maître discret, humaniste et libre

Miloš Forman n’a jamais cherché à devenir un cinéaste à la mode, ni à reproduire des recettes. Sa filmographie est courte, mais dense, cohérente, et toujours à contre-courant. Il a su s’adapter aux exigences d’Hollywood tout en restant fidèle à ses obsessions : l’individu face au pouvoir, la folie douce face à la normalité glacée, la liberté de créer face aux carcans moraux.

Il était aussi connu pour sa patience, son écoute et son ironie fine. Ses films ne sont jamais démonstratifs ; ils suggèrent, jouent sur les ambivalences, et laissent le spectateur libre de juger.

Miloš Forman, une voix cinématographique précieuse et intemporelle

Avec son regard d’exilé, son amour des personnages marginaux et son sens inégalé du rythme dramatique, Miloš Forman a marqué le cinéma par une œuvre profondément humaniste, critique et visuellement libre. Il est l’un des rares réalisateurs à avoir triomphé dans deux cultures, en gardant intacte son identité artistique.

Ses films ne crient pas la révolte : ils la murmurent, la dansent, la chantent. Et c’est peut-être pour ça qu’ils résonnent encore si fort aujourd’hui. Parce que Forman filmait la liberté non comme un slogan, mais comme une nécessité vitale — avec tout ce qu’elle implique de chaos, de beauté et de résistance.

Filmographie

  • Ajouté le
  • Modifié le